Françoise Biraud …
… mais pas seulement
Avant Françoise épouse de Maurice Biraud, il y eut Françoise Soulié, fille de Paul Soulié, lui-même fils de Gabriel, l’un des fondateurs de la Société des Amis de Collonges en 1927. Il faut savoir que pendant une dizaine d’année, Françoise monte sur les planches avec succès, d’abord pour danser et ensuite pour jouer au théâtre. Sa courte carrière prend fin lorsque l’amour frappe à sa porte en la personne de Maurice Biraud. A partir de cet instant c’est à lui qu’elle se consacre entièrement mais la condition préalable et nécessaire au mariage est qu’il aime Collonges « il faut que tu connaisses Collonges » lui dit-elle, « d’accord répond Maurice, mais toi je t’épouserai si tu aimes Saint Martin sur Ocre » lieu où Maurice a été placé en nourrice à l’âge de un mois. L’un et l’autre sont conquis, Françoise par la famille Coilbeau, Maurice par Collonges dont il aperçoit d’abord, ébloui, les toits et le clocher. Cet amour de Collonges ne se dément pas, Françoise préside notre association de 1998 à 2013 et participe à de nombreuses animations, notamment Les Théâtrales de Collonges et Radio Vicomté.
Quelques souvenirs
La danse
Marcelle Bourgat puis Jean Weidt
Comme beaucoup de jeunes filles de bonne famille Françoise pratique la danse. Elle commence très tôt et se passionne pour cet art pour lequel, il faut le dire, elle est très douée.
Pas du tout attirée par les études, c’est une élève sérieuse et assidue du cours de Marcelle Bourgat. Recommandée par sa professeure, elle décroche très jeune, en 1945, un petit rôle de figurante dans le ballet Les forains de Roland Petit où elle figure, se souvient-elle, une femme-tronc dont « les bras font tout le reste ».
Elle intègre ensuite les Ballets des Arts, compagnie fondée en 1946 par Jean Weidt, danseur et chorégraphe surnommé le danseur rouge en raison de son engagement politique. Elle part ainsi en Allemagne pour une représentation devant les forces armées françaises. Françoise se souvient de la ville de Berlin au sortir de la guerre : « les maisons étant rasées, les pierres étaient rassemblées pour délimiter les surfaces ; ça formait une multitude de petits murets et au milieu on voyait le trou de l’escalier qui descendait à la cave ; c’est là que vivaient les habitants. C’était horrible ! Seule la porte de Brandebourg était debout ».
Le spectacle de danse dramatique, intitulé La cellule, écrit et chorégraphié par Jean Weidt part en tournée, Françoise aussi avec la bénédiction de ses parents. C’est la plus jeune de la troupe composée de neuf personnes dont Dominique et Françoise Dupuy. Ils traversent l’Allemagne et la Hollande. Le ballet obtient la médaille d’or au dernier concours organisé par les Archives Internationales de la Danse à Copenhague en 1947. Les conditions sont spartiates et il n’est pas toujours facile de s’échauffer avant le spectacle. En Hollande, à la fin de la tournée, lors d’une répétition dans un vieux théâtre, un trou dans la scène la fait chuter. Elle arrivera à tenir le spectacle grâce à une piqûre de Streptomycine à laquelle elle se révèlera allergique ! Malheureusement cette grave entorse signe la fin de sa courte mais prometteuse carrière de danseuse.
Le théâtre
« C’est mauvais, mauvais, mauvais »
De retour à Paris chez ses parents, un copain, pour la sortir de l’ennui, l’entraîne à son cours de théâtre.
C’est ainsi qu’assise au fond de la salle, elle assiste, au théâtre de l’Atelier, au cours de Charles Dullin. Françoise raconte : « à un moment Monsieur Dullin se lève, il se retourne en disant – qu’est-ce qu’il y a de nouveau ici ? et il me voit assise. – Tu n’es pas élève ? Et bien monte quand même sur scène ». « Et là, il m’explique le scénario et me demande de jouer une jeune fille qui attend son ami, son ami qui n’arrive pas ». Il ajoute « tu parles si tu as besoin de parler mais si tu n’as pas besoin, tu ne parles pas ». Françoise qui a sa petite expérience du ballet expressionniste, se lance et le verdict tombe : « ce n’est pas mal du tout ! Tu reviens la semaine prochaine ».
La semaine suivante, la tête pleine des cinq scènes qu’il lui a demandé d’apprendre, Françoise remonte sur scène et Dullin de lui dire : « c’est mauvais, mauvais, mauvais mais n’arrête pas, il y a quand même quelque chose. Ta diction est très mauvaise et puis ta voix n’est pas bien posée… ». « Il m’a beaucoup fait travailler » se souvient-elle.
Le conservatoire
Pas la Comédie française
Là-dessus un des élèves qui monte un spectacle pour un festival près de Lyon, cherche une jeune soubrette qui danse un peu. Grâce à cette pièce, Françoise rencontre des élèves du conservatoire qui la poussent à se présenter au concours. Elle est reçue première avec Françoise Moreau. Sollicitée ou plutôt utilisée par la Comédie française comme tous les élèves du conservatoire, elle préfère et de loin l’atmosphère plus conviviale et fraternelle des théâtres privés comme celui des Mathurins dirigé par Marcel Herrand et Jean Marchat avec qui elle joue un petit rôle en 1950 dans Le bal du lieutenant Helt. Elle y joue le soir et va au conservatoire le matin mais cela ne lui évite pas, deux mois plus tard, une fois la pièce terminée, de répéter en plus l’après-midi pour jouer ses rôles d’ingénue à la Comédie française. « Je donnais quelques répliques à l’Odéon pour Cyrano de Bergerac et hop une voiture m’emmenait au Français pour un acte ». Au Français, l’ambiance lui pèse beaucoup. Heureusement elle est prise en affection par Jacques Charron et Robert Hirsh. Elle accumule les petits rôles et joue par exemple une blanchisseuse dans Madame Sans Gêne en 1951où elle donne la réplique à Denis d’Inès en Bonaparte. Ce sera aussi l’occasion pour elle, avec deux autres élèves, de retourner trois jours à Berlin « reconstruit » pour des essais de cinéma à …Berlin-Est, grisaille et chaperon inclus. « En comparaison, Berlin Ouest c’était New York ! ».
Vive le boulevard !
« Je n’oublierai jamais les colonnes grecques ! je les vois encore »
Sortie du conservatoire après deux ans, Françoise joue dans beaucoup de pièces de boulevard y compris pour la télévision. Parallèlement à ses rôles au théâtre, elle anime pendant la semaine une émission enregistrée pour le Canada à la télévision française et côtoie de nombreux chanteurs, se lie d’amitié avec Charles Aznavour, Gilbert Bécaud …
1957, une année particulière
Cette année-là Françoise rencontre Maurice. Ils se croisent brièvement une première fois, elle spectatrice et lui sur scène qui remplace Guy Tréjean dans Monsieur Mazure. Cette pièce de Claude Magnier les réunit définitivement lorsque Françoise remplace au pied levé Claude Larue. Ils ne se quitteront plus ! Françoise termine La mégère apprivoisée avec Pierre Brasseur et Suzanne Flon au théâtre de l’Athénée et part en tournée avec Pour avoir Adrienne une pièce de Louis Verneuil avec Jean Poiret et Michel Serrault.
Lors de la représentation à Knokke le Zoute, le décor d’origine n’ayant pas suivi, ils se retrouvent au milieu de colonnes grecques pour salon avec, accessoire indispensable, un ancien téléphone. Le moins que l’on puisse dire est que le décor est plutôt anachronique. Françoise raconte : « Impossible de garder son sérieux et Michel Serrault me dit : oui l’appartement n’est pas parfait mais tu sais je n’ai trouvé que ça et tu as vu il y a le téléphone ! ». Ils doivent baisser le rideau pour cause de fou rire. « Je n’oublierai jamais les colonnes grecques ! je les vois encore ».
Très pris, Françoise et Maurice se croisent tels, dit-elle, un veilleur de nuit et une femme de ménage. Françoise joue le soir, Maurice part à la radio le matin, difficile de partager de longs moments ! Ils arrêtent tout de même la date du mariage au 29 décembre 1958. Elle choisit de s’occuper de Maurice et de l’accompagner lors des tournages.
Avec Maurice
Au menu : pot au feu et yaourt arménien
Pour le tournage de Un taxi pour Tobrouk de Denys de La Patellière sorti en 1961, elle accompagne Maurice trois mois en Espagne, près d’Almeria et fait le marché et la cuisine dans les chambres avec la femme de Lino Ventura et la petite amie de Charles Aznavour. Spécialité : le pot au feu pour laisser cuire longtemps la viande et pouvoir la manger ! « Charles nous faisait des yaourts arméniens et Hardy Krügger s’occupait de l’alcool. »
Françoise Soulié avait définitivement laissé place à Françoise Biraud.